Cum Panis : le pain et ses écologies

Montbéliard (25200)

- Musée du Château des Ducs de Wurtemberg

Du Samedi 10/02/2024 au Dimanche 05/05/2024

Co-curatrices : Grace Gloria Denis et Adeline Lépine

Avec des œuvres de Amanny Ahmad, Broudou Magazine, Grace Gloria Denis, Ymane Fakhir, Sameer Farooq, Anna Bella Geiger, Alison Knowles, Valeria Mata, Gordon Matta-Clark, Julia Morlot, Claude Ponti, Lúcia Prancha, Marie Preston, Lexie Smith et Louise Johansson Waite.
Avec des objets issus des collections du Musée de Grenoble et du Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon.

Une exposition collective rassemblant des pratiques artistiques internationales à propos du pain, de ses écologies et de ses effets sociaux, politiques, économiques, culturels et esthétiques.

Dans le cadre de Pays d’Agglomération de Montbéliard Capitale Française de la Culture 2024.

J’ai toujours la sensation
que le monde
est un morceau
de pain.
Je tends
la moitié
à ton attention.

“At a Waterfall, Reykjavik” par Eileen Myles dans School of Fish,
publié par Black Sparrow Press en 1997.

Au départ de cette exposition, il y a le paysage et une colline à Montbéliard où se trouve le parc dit “des miches”. En remontant l’histoire de cette dénomination toponymique, on retrouve la désignation “parc de la miche de pain” dans les archives, en raison de la forme de la colline, une butte de terre, entourée de petits monticules arrondis qui expliquent, peut-être, l’apparition du pluriel un peu plus tard.
Selon un principe de topographie inversée, le livre Bread and Water d’Alison Knowles, dont est tiré le visuel de l’exposition, débute par des pains cuits par l’artiste puis retournés afin de révéler comment leur croûte, leur forme et leurs aspérités, lui rappellent des paysages. Par le biais de juxtapositions poétiques, elle associe ainsi l’image du pain photocopié et celle d'environnements naturels, principalement des cours d'eau. Dans un recueil visuel accompagné de poèmes collagistes, l'ensemble offre ainsi une série de réflexions topographiques.

Associer art et nourriture est une manière de percevoir, d’absorber et d’être au monde et la table se situe le plus souvent au centre de ces convergences. Elle est tout autant un lieu du commun et du consensus, que de l’expression des tensions et des antagonismes. La table structure en outre un espace de résistance et de compagnonnage.
S’inspirant de l’étymologie de ce dernier terme, issu de compagne et compagnon et du latin cum panis 1, « avec le pain » l’exposition souhaite ainsi questionner les relations entretenues entre l’art et le pain, ainsi que l’importance de cet aliment dans les constructions sociales, politiques, économiques et géographiques. Le pain est ici considéré comme révélateur de récits (personnels ou collectifs) et comme un levier générateur de communs favorisant l’émergence de formes de création collective.

Les liens entre les humain·es et le pain sont ancestraux. Compte tenu de ces relations au cours des siècles, comment pourrions-nous définir le pain et spéculer sur les liens qui l’unissent à l’Homme ? Quelles histoires surprenantes le pain a-t-il à nous transmettre ? À travers sa production et sa consommation, que révèle le pain de nos manières de nous nourrir, de structurer nos sociétés et de concevoir des modes d’interactions culturels collectifs ? Compagnon omniprésent, que révèle-t-il à chaque fois de l’endroit où il a été conçu ou de celles et ceux qui ont contribué à sa conception, de la production du blé et de sa farine, à sa cuisson en passant par son levain et son pétrissage ? Peut-on concevoir le pain, à la fois comme un ensemble de strates technologiques (levure, grain, moulin, four, etc.), et comme un outil pragmatique et symbolique de la transmission de contextes spécifiques ?

Comme l’affirme le Groupe Blé 2, le pain est politique. Objet de controverse en raison des modes de production du blé contemporain et des dérives de l’industrie agro-alimentaire, le pain a également joué un rôle identifié dans l’emprise colonial et les conflits armés les plus récents. Mais il est également un outil de résistance populaire : de la foule réclamant à Marie Antoinette (dont la perruque était blanchie à la farine ou amidon de blé) le pain quotidien aux manifestations les plus contemporaines lors desquelles le pain est parfois brandi comme étendard symbolique de la résistance.

S’intéresser au pain, c’est donc plonger dans les multiples histoires agricoles, culturelles, familiales, économiques et spirituelles de contextes socio-politiques complexes et très différents. C’est également observer de plus près un patrimoine mondial qui constitue un support de convivialité, d’invention et de création. Le pain sous toutes ses formes suscite la curiosité, stimule les sens et ouvre l’appétit ; il traverse l’histoire des pratiques artistiques : entre art et vie, art et science, comme matière à expérimentations, à enseignements et à partages.

Adeline Lépine et Grace Gloria Denis
 
1- Donna Haraway, Quand les espèces se rencontrent. Trad. de l’anglais (États-Unis) par Fleur Courtois-l’Heureux. Paris, La Découverte, 2021.
2- Groupe rassemblant des paysan·nes, des meuniers·ères, des boulangers·ères au sein de l’Association régionale pour le développement de l’emploi agricole et rural en Auvergne-Rhône-Alpes. En 2019, ses membres publient un ouvrage à l’écho important : Notre pain est politique - les blés paysans face à l’industrie boulangère. Certain·es d’entre elles et eux sont également basé·es en Franche-Comté.

+ d'infos : Le 19, Centre Régional d'Art Contemporain

 

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